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COMPTE RENDU DE LA SÉANCE « JE DIS CRITIQUE » DU JEUDI 20 OCTOBRE 2022, du recueil « MON AFRIQUE QUI TANGUE » du poète JEAN-PAUL BRIGODE ILOPI BOKANGA par Daniel MUKUBI, Poète de la Nation.

La séance « Je dis critique » de ce Jeudi 20 octobre 2022 a accueilli l’œuvre « Mon Afrique qui tangue » de Jean-Paul Brigode ILOPI BOKANGA, le Poète de la régénérescence.

L’activité littéraire, organisée par le Centre culturel MIEZI sis au croisement des avenues Saïo et Sport de la ville tentaculaire de Kinshasa, Capitale de la République Démocratique du Congo, était spectaculaire, sous la modération de Daniel MUKUBI, le Poète de la Nation.

La cérémonie d’ouverture a été présidée par l’écrivain Christian GOMBO, agissant en tant qu’Administrateur financier de l’espace culturel ayant hébergé cet événement.

Dans son speech, il a présenté non seulement les éditions Miezi et le louable travail qu’elles réalisent pour la promotion des livres et des écrivains congolais, mais aussi et surtout il a brossé succinctement le portrait de Jean-Paul Brigode ILOPI BOKANGA, ce Poète qui n’est plus à présenter au public congolais intéressé par la littérature et la culture. Il a rappelé que l’auteur de « Mon Afrique qui tangue » est le premier, et l’unique prix Makomi jusqu’ici, section Poésie, ce prestigieux prix de l’Union Européenne qui vise, lui aussi, à promouvoir la littérature congolaise.

Après son discours, la parole a été remise au modérateur, pour planter le décor, en décortiquant de manière succincte mais coriace, la Parole Essentielle servie par le Poète de la régénérescence, dans son recueil de poèmes sous examen.

Daniel MUKUBI a alors souligné que « Mon Afrique qui tangue », est une œuvre de haute portée littéraire, poétique et artistique, qui présente de manière stridente, et prudente d’ailleurs, les turbulences et les tribulations que subit le berceau de l’humanité, abandonné sans matériaux nécessaires, au gré des vagues déferlantes de la mer et des circonstances, avec leurs stocks d’hommes, ces matelots qui peinent toujours à se tirer d’affaires.

Dans cette marmaille d’actions perturbatrices, la réaction de cette Afrique, sans gouvernail, telle que peinte avec maestria dans les 19 pièces poétiques formant l’ossature de l’œuvre littéraire dont question ici, fait face à un défi, et qui n’est pas le moindre, celui de se maintenir stable dans cet univers instable, où tout tempête. Du poème éponyme « Mon Afrique qui tangue » jusqu’au 19ème « le trépas aux portes de l’Afrique », l’auteur expose savamment son savoir-faire littéraire, en faisant allusions aux illusions de la poésie, aux métaphores, aux images, aux rimes, aux allitérations et autres subtilités du style, et en proposant un ensemble de textes autant diversifiés dans la forme que dans le fond. Chaque poème avec son écriture, sa morphologie, son contenu et son aspect harmonisés au diapason du beau, du bon et du vrai. Ces écrits poétiques, faits de vers libres, révèlent l’identité africaine de l’auteur, qui tire ses origines de ses ancêtres de la négritude.

Puisqu’il ne s’agissait pas de faire une présentation formelle et fondamentale de l’ouvrage, le Poète de la Nation, dans sa casquette de maître de cérémonie, a mentionné que dans ces perpétuelles péripéties auxquelles fait face l’Afrique, Jean-Paul ILOPI a su décrire une Afrique qui se cherche et se recherche sans pour autant se retrouver, qui se bat et se débat pour survivre dans son ivre apparence, et qui, pour ce faire, développe des accommodations, et monte des stratégies de mitigation, si pas de résilience dans sa résignation solitaire, de peur qu’elle ne se retrouve à être la seule proie d’une multitude de prédateurs.

C’est ainsi que Daniel MUKUBI, a invité la foule à faire des ovations pour l’auteur et pour son œuvre. Les ressentis de Jean-Paul ILOPI, ont alors permis d’égayer la salle, créant ainsi un microclimat favorable au développement des critiques. Il en a profité pour présenter aux participants « son mentor » dans la littérature, à savoir celui qu’il a qualifié de meilleur poète congolais aux dires de Kä Mana, en la personne du Docteur, Philosophe, Critique littéraire et critique d’art, François Médard MAYENGO. C’est ainsi que la parole était maintenant ouverte à qui voudrait la prendre.

Le premier à se jeter dans l’eau fut Maître Mulenda qui, après avoir fait des éloges et vanté les mérites de cette œuvre d’esprit de haute facture littéraire, a soulevé des questionnements qui relèvent ce qui ne lui a pas ému dans la lecture de « Mon Afrique qui tangue ». Il s’agissait, selon l’intervenant, d’un ensemble de textes avec diversité de thèmes, qui ne sont pas corrélés entre eux, et qui donnent de temps en temps l’impression de s’être éloignés de l’intitulé même de l’ouvrage. Le critique a aussi souligné ici, que l’un de grands défauts de ce livre, selon lui, c’est l’emploi à plusieurs endroits, des mots qui cassent le rythme, et qui anéantissent la magie de la chose poétique. Il ne s’est pas arrêté là. Il a montré que certains textes étaient caractérisés par ce qu’il avait qualifié de « lieu commun », dénotant ainsi de la pauvreté de certaines métaphores employées par l’auteur, qui n’étaient pas de nature à étonner, et à surprendre. Pour finir son intervention, Maître Mulenda, qui a trop apprécié la préface, est pourtant resté sur sa soif, en ne trouvant pas la révolte et la révolution derrière le lyrisme de Jean-Paul ILOPI.

Répondant à ces questions, le Poète de la régénérescence a soulevé des préoccupations relatives à toute la difficulté éditoriale à laquelle il a fait face vingt ans durant, avant la parution et l’apparition de son livre. Ayant jeté un premier tirage de 1000 pages, il a alors été obligé de faire le tri, en sélectionnant des textes au choix, pour sceller le début de sa carrière littéraire, après l’obtention de son prix sus-évoqué. Il a sportivement accepté la remarque concernant l’usage de certains mots qui pouvait tuer la magie poétique, sollicitant des entretiens approfondis à ce sujet. Quant aux « lieux communs », ils étaient motivés par la recherche du mieux-vivre, dans un poème qui a finalement rapporté de l’argent à son auteur qui traversait le désert, ce qui n’arrive pas tous les jours. Enfin, l’auteur a montré qu’il ne pouvait pas finalement exprimer avec sévérité toute sa rage, afin d’éviter le triste sort réservé à certains de ses contemporains, à l’époque de rédaction de ces textes, où le gouvernement militaire agissait comme un gouvernement de fer.

Crebix a alors pris la parole, pour donner ses impressions concernant la part de la partie matérielle du livre, qui ne respectait pas les normes requises. En réaction, Jean-Paul ILOPI a avoué qu’il ne s’y connaissait pas trop, et qu’il appelait à la collaboration avec les détenteurs de pareils savoirs pour développer des éventuels partenariats.

La parole était ensuite accordée à « Pat le Gourou » qui, d’entrée de jeu, a tout de suite voulu intituler son intervention en ces termes « Non à l’apologie de la légèreté ». Selon lui, le recueil de poèmes « Mon Afrique qui tangue », ne devrait que se limiter aux 19 pièces poétiques, sans faire allusion à ce qui a tendance à faire croire au lecteur que l’ouvrage est un amalgame de textes, mêlant dissertation, biographie, autobiographie et essaie. Il s’est ensuite apaisanti sur certaines affirmations de l’auteur qui, à en croire l’argumentaire de l’intervenant, sans toutefois vouloir dire qu’elles n’étaient pas fausses, n’étaient tout de même pas vraies. Il a donné le cas de « Ana Mokoy », une chanson évoquée dans le livre mais avec des affirmations pas vraies, notamment au sujet de l’année de sa sortie ; ainsi que le cas de la position du griot présenté dans ce recueil de poèmes comme étant toujours le trait d’union entre le pouvoir et le peuple. Par ailleurs, « Pat le Gourou » qui clame tout haut son identité littéraire et qui se réclame être le « gardien du temple » s’est inscrit en faux contre la tendance prise par l’auteur de « Mon Afrique qui tangue », celle de présenter Papa WEMBA comme poète, alors qu’il n’était qu’un interprète, sans inspiration. Il a clôturé son intervention, en disant que peu importe le choix pris par l’auteur, qu’il se révendique du classicisme ou du libre, quand il opte pour l’usage de la rime, il devra automatiquement se subordonner au respect des principes, des normes et des exigences de la rime, l’auteur voudrait qu’il y ait juxtaposition de sons similaires à la fin de chaque vers. Il a toutefois applaudi l’auteur pour avoir réussi certaines de ses rimes. Par contre, il a révélé qu’à quelques endroits, le poète a péché par l’emploi de plusieurs formules de prose dans de textes poétiques (quant à…, lesquelles…, c’est pourquoi…), et par l’usage inapproprié de la rime, en donnant parfois au lecteur l’impression qu’il s’était trompé, quand il s’agissait par exemple de faire croire que « nuit » rimerait avec « haïr ».

Pour y répondre, l’auteur a montré qu’au sujet des affirmations qualifiées de fausses, il avait cité ses sources, et que cela le dédouanait. Il s’était carrément opposé aux allégations de Pat le Gourou, au sujet de la chanson Ana Mokoy, qui n’était pas sortie en 1974, mais bien avant, vers 1969. Et ces propos étaient appuyés par François Médard MAYENGO. Concernant Papa Wemba, le Poète Jean-Paul ILOPI a rappelé qu’il est son biographe officiel, et que ce grand artisan de la Rumba congolaise avait bien des qualités insoupçonnées, et non connues du grand public. Il a rappelé les dires de Liliane Casteloot, d’après qui la poésie se trouve partout en Afrique, même dans le regard hagard d’une fille nubile allant puiser de l’eau à la source, comme dans les hullulements nocturnes des hiboux, ou encore dans les sifflements du vent en furie. Et que donc, le qualificatif de Poète ne serait pas l’apanage de quelqu’un, mais plutôt la conséquence de la qualité des prestations et du mode de vie d’un personnage. À ce niveau du débat, le Docteur MAYENGO a tenu à préciser que le poème pouvait aussi être oral, car il s’était d’abord réfugié dans la musique avant de se reposer sur la littérature. Sur ce point, Papa Wemba pouvait donc être qualifié de Poète, au regard de son message, de son rythme, de sa musicalité, et autres substentialités du style. Et quant à la rime, l’auteur a refusé d’accepter qu’il s’était trompé, en disant que c’était son choix, et que son style de prédilection qui lui commandait de faire de vers libres, l’avait affranchi de toute règle du style dit classique et devenu, selon lui, obsolète depuis le 20ème siècle, car restreignant les limites d’expression littéraire.

Constatant que les échanges commençaient à virer vers des rivages pas forcément littéraires, la Présidente de l’Association des Écrivains du Congo, l’auteure Celenna Ngoy, a pris la parole pour remettre la pandule à l’heure, appelant ainsi à ne concentrer le débat que sur le contenu surtout poétique de « Mon Afrique qui tangue ».

Le débat a ainsi évolué sur l’évolution des courants littéraires, et leurs exigences.
D’autres interventions revenant sur les mêmes choses, Christian GOMBO a été invité pour procéder à la clôture de la séance qui, finalement, s’était révélée à la fois riche et enrichissante.

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